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21 Oct
21Oct

600 logements nouveaux dans un des derniers grands tènements fonciers dans la ville, derrière la gare, construits par le promoteur ALTAREA-COGEDIM, acquéreur d'une grande partie du terrain de NTN-SNR : la nouvelle fait du bruit ! L'ampleur du projet n'est pas seule en cause, la portée symbolique du départ d’une partie de l'usine historique des « billes » est forte dans beaucoup de familles ouvrières d'Annecy. Beaucoup d'habitants ont encore au moins un proche qui a travaillé là, même si la population trouve de moins en moins un emploi dans l'industrie à Annecy. On dit d'ailleurs toujours « SNR » qui reste un des premiers employeurs du bassin annécien.

L’intérêt de ce site est certes patrimonial, mais il rassemble aussi les caractéristiques tout à fait stratégiques pour l’élaboration d’un projet urbain vertueux, en phase avec les enjeux socio-écologiques de notre temps. 

Suite aux réunions organisées par la Ville et les promoteurs, quelles sont nos craintes ? Rien n'est connu du bilan financier du projet et de l'opération immobilière du fait de son caractère 100% privé. Cette problématique nécessite donc une vigilance et une exigence accrue de la collectivité. Il s'agit à présent d'utiliser les outils réglementaires à notre disposition pour aboutir à un projet vertueux notamment pour permettre un accès des gens modestes à un logement.

Le projet SNR-Gare est-il la preuve que l’on “construit mieux” à Annecy ? 

La nouvelle majorité veut “bien construire à Annecy”. Nous avions déjà fait la critique de cette nouvelle charte qui prétend user du volet de la négociation et de la communication, comptant sur le dialogue avec le promoteur. Cette charte, qui n’a en soi aucune valeur juridique, part d’un constat que tout le monde partage : souffrance de la densification, manque de services, augmentation du télétravail, surcharge des voies de communication… Elle prétend sortir la production de logement d’un arbitrage purement financier en se proposant de faire émerger des logements plus “qualitatifs”, en bref, sortir le logement d'une logique de marché purement quantitative (privilégiant le profit) pour faire entrer des critères de "qualité de vie". Nous sommes en phase avec cette approche, mais pas avec la méthode.

Ainsi, sur l’opération, le « dialogue » avec l’opérateur a conduit à un recul de la densité de l’ordre de 10% (entendre “diminution de 10% du nombre de logements”) pour “faire davantage d'appartements traversants” (cit.).

Antoine Grange, qui était présent lors de la commission chargée du dossier, a souhaité connaître l’impact de cette “dé-densification” sur la proportion de logements sociaux proposés ainsi que sur le prix de sortie des logements libres. Esquive de la maire-adjointe à l’urbanisme :  “C’est en discussion”. En tout état de cause non, puisque les équilibres en matière de logements sociaux sont visiblement déjà arbitrés, puisque présentés (30% de logements locatifs aidés, 10% d’accession sociale à la propriété), et une réponse aurait dû pouvoir nous être fournie. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup

Lors de cette commission, la fameuse charte municipale a été reprise comme un argument par les promoteurs, car elle sert en effet la qualité du projet. Mais nous alertons : à vouloir contrer la logique de marché et dans le même temps une communication intensive de ce cahier des charges, cette charte risque de produire l'effet inverse, et renforcer l'attractivité de ces produits. En proposant un nouveau produit certifié “bien construit”, elle peut aussi devenir prétexte à la fixation de prix au-dessus du marché, finalement réservés aux investisseurs, notamment parisiens et suisses (c’est ce qui s’est passé à Lyon et à Grenoble il y a dix ans)... La municipalité ayant raté le coche en octobre 2020 sur l'instauration de l’encadrement des loyers. 

En procédant comme elle le fait, la majorité municipale risque d'accroître et de légitimiser les désordres qu’elle pense maîtriser.

A propos du rattrapage oublié du déficit de logements sociaux

C'est la Ville qui délivre les permis de construire, au regard de la compatibilité du projet aux règles d’urbanisme en vigueur (plan local d’urbanisme) et des documents de planification (plan local de l’habitat, plan de déplacements urbains...).

Annecy fait face à un enjeu crucial pour les prochaines années : la faiblesse du nombre de logements sociaux. En effet, la Ville ne respecte pas les quotas imposés par la loi SRU (solidarités et renouvellement urbain, 2000). Le non-respect de ces quotas entraînera de facto le paiement d’amendes importantes à partir de 2025 et, pire, permettrait in fine à la préfecture d’imposer la construction de logements sociaux sur des terrains qu’elle choisira elle-même : vous pensiez que les élus ne décidaient plus de rien ? Attendez de voir l’application du droit de préemption par la préfecture, et vous serez ravis (certaines communes en font déjà les frais) ! De plus, le plan local de l’habitat (PLH) prévoit qu’Annecy supporte, en tant que ville centre, environ deux tiers des efforts de production de logements sociaux (puisqu’elle représente deux-tiers de la population de l’agglomération). Sauf qu’aujourd’hui, les projections montrent que l’effort est largement insuffisant, elles sont dégradées du fait de nombreux refus et/ou de l’annulation injustifiée de nombreux permis de construire sur la Ville (depuis la nouvelle majorité) dont la plupart sont des réhabilitations ou en renouvellement urbain. Ce qui ne manque pas de provoquer un certain mécontentement dans les autres communes de l’agglomération, sur lesquelles la pression foncière s’accentue en raison des désordres provoqués ou accentués par la politique égoïste menée par la Ville d’Annecy.

Des solutions et outils alternatifs existent pourtant bel et bien pour favoriser la mixité sociale, y compris au centre d’Annecy : les propositions du mouvement Les Annéciens

Augmenter la part de logements sociaux, c’est donc répondre à plusieurs objectifs : réglementaire, comme nous venons de le voir, mais aussi tendre vers l’objectif de mixité sociale auquel nous sommes attachés, indispensable à intégrer dans une logique de développement soutenable de notre Ville et de parcours résidentiel pour ses habitants.

Ce logement “social”, tel que désigné par la loi SRU, comprend en fait une multitude de produits très différents : le “PLS”, le “PLUS”, le “PLAI”, le “PSLA”.

En outre, il est primordial de mentionner le dispositif du “BRS” (bail réel solidaire) qui existe depuis 2013 et qui présente de nombreux avantages pour conduire une politique ambitieuse en matière de mixité sociale. Compte tenu de la cherté du foncier, c’est ce dernier produit qui, pour Annecy, nous intéresse donc particulièrement. La situation de tension du marché annécien est telle, que les ménages qui habitent le parc social en deviennent captifs, tant la marche est haute pour devenir propriétaire de son bien immobilier. Sans cette mobilité résidentielle, pas moyen pour eux d’espérer rester dans la région s’ils souhaitent devenir propriétaires, et pas moyen pour la Ville de proposer les logements qu’ils occupent à d’autres ménages qui en ont aussi besoin. La tension du marché annécien est sur ce point assez catastrophique. 

Le “produit BRS”, par contre, est un outil qui permet enfin d’offrir cette mobilité résidentielle en secteur tendu, et d’agir concrètement sur l’emballement des prix. 

Vidéo : Le BRS c'est quoi ?

Les effets observés des premières opérations de BRS montrent qu’elles permettent de ramener ou de maintenir en centre urbain des familles avec enfants, qui sont aujourd’hui condamnées à quitter le centre-ville, faute de pouvoir y trouver un logement plus spacieux à un niveau de prix abordable. C’est de cette mixité dont Annecy a cruellement besoin.

Le projet SNR-gare nous montre à quel point une politique d’aménagement du territoire ne peut se penser qu'à l'échelle d’un bassin de vie. 

Le mouvement Les Annéciens

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