A force de vouloir “bien construire à Annecy”, on finit par détruire le patrimoine.
Au cours de ce mois d’avril, l’histoire d’Annecy a été victime de deux accidents. L’un a eu lieu au carrefour du Chemin des Fins sud et de la rue du Forum. L’autre avenue de Cran. La proximité dans le temps (avril) et dans l’espace de ces événements impose une réflexion sur la sauvegarde du patrimoine dans une commune qui voulait hier encore briguer les titres de capitale verte et de capitale de la culture. Le mouvement Les Annéciens tient aux témoignages qui font regarder le passé sans préjugés pour comprendre le présent. D’ailleurs les membres du mouvement se réunissent régulièrement pour échanger sur l’état de la Ville. Rejoignez-nous !
La rue du Forum, quartier des Romains et des Fins, se situe dans le territoire enfoui de l’ancien bourg Boutae, où s’établirent des pêcheurs après avoir exploré les rives proches du lac dès 3100 av. JC. Cette installation prit des siècles. Ce gros village, finalement sous le contrôle de la tribu des (« vaillants ») Allobroges, fut vaincu en 121 av. J.C. par les légions conquérantes romaines 121 du consul Quintus Fabius Maximus. C’est comme ça, sauf dans Astérix et Obélix. L’histoire d’Annecy, cinquante ans après Alésia, commence par une défaite. Et on ne peut pas rejouer le match. C’est peut-être la raison qui a ralenti l’intérêt des politiques en France pour les fouilles archéologiques, à la différence par exemple des Pyramides, Toutânkhamon, Napoléon ou d’autres coins de terre plus gratifiants, le Parthénon ou Pompéi. Notre histoire est d’abord celle de notre colonisation par les Romains.
Depuis les années 2000, la loi oblige les aménageurs publics ou privés, à partir de sondages et de recherches prises en charge par l’État, à des fouilles sérieuses. N’en déplaise à la nouvelle ministre de la culture, Rachida Dati, qui a affirmé le 4 avril dernier qu’il ne fallait pas « creuser des trous juste pour le plaisir ». Oups !
Un trou géométrique existe donc bétonné sur ses parois, lissé par une couche de gravier pour accueillir un nouvel immeuble, permis de construire du 4 octobre 2022. Il y a sûrement au-dessous des vestiges gaulois et gallo-romains. Trop tard ! Conséquence de la lenteur de la Direction Régionale des Affaires culturelles ? De l’impatience du promoteur EDIFIM, au Pont Neuf ? De la SCCV Sud Harmony, son opérateur délégué ? De TECTUM, cabinet d’architecture créé le 2 février 2022 à Arcueil (Val de Marne) ? De l’étourderie de la Ville ?
Parce que la vente des « Capucins », avenue de Cran, votée par la précédente municipalité, Jean-Luc Rigaut/Bernard Accoyer (soutenus par l’abstention de Nora Segaud-Labidi, actuelle maire-adjointe de l’aménagement durable et de l’habitat) le 17 décembre 2018 avait confirmé la réprobation publique et la légitime contestation d’associations de quartier et d’élus, dont Claire Lepan et Denis Duperthuy, très engagés auprès des annéciens hostiles au projet. Rappelons que le projet immobilier faisait disparaître un verger d’espèces anciennes et un parc arboré, magnifique respiration au cœur de la ville que l’acquéreur s’engagerait ensuite à préserver avec les bâtiments anciens sur site dans son projet de construction d’un hôtel de luxe.
La Ville, prenant charitablement la responsabilité de la sécurité des ouvriers, a autorisé tout de suite la destruction complète du bâtiment, de crainte aussi sans doute qu’un car de touristes visitent les murs en tas d’un chantier dont l’accès est impossible.
Les explications de Nora Segaud-Labidi, maire-adjointe à l’aménagement durable et à l'habitat
D’ailleurs les aménageurs-propriétaires sont parties prenantes des mêmes sociétés. Les renseignements sont publics. Philippe, alias Bob, Lafarge, le propriétaire du tènement des Capucins, est aussi dans Edifim. Ses activités sont diversifiées, même si les plus connues sont l’immobilier, en particulier la rénovation d’appartements du quartier des Balmettes depuis 1987, et, plus récemment, les restaurants avec les Sapaudia et le Tribeca. Le cabinet d’architecte, s’il n’a pas changé, est Geronimo, de Saint-Pierre-en-Faucigny, qui a travaillé pour Annecy-le-vieux. PTT INVEST, la société familiale, avait le projet d’entreprendre de restaurer le bâtiment du 4, passage de la Cathédrale, qui était occupé par des associations.
Ils n’en sont pas. Les faits divers se reproduisent à l’identique ou presque et Madame et Monsieur Tout le Monde en sont les victimes. La victime aujourd’hui est notre ville d’Annecy. Même si ce peut être long, la Ville, qui coopère avec des entreprises qui lui sont bien connues, doit faire la clarté sur les causes de ces événements pour que ne s’installe pas l’idée que tout est possible.
Pour le moment, la Ville n’a inventé que ce machin bavard mais non contraignant qui s’appelle « Bien construire à Annecy » pour s’opposer à des projets qui pourraient être risqués. La situation lui donne l’occasion d’oser faire mieux.
Le mouvement Les Annéciens