Denis Duperthuy est conseiller municipal et membre de la commission "Économie, commerce et alimentation locale" à la Ville d'Annecy. Pour le blog du mouvement "Les Annéciens", il revient sur un sujet majeur pour notre ville : le règlement des terrasses.
Le 9 décembre dernier se tenait une commission “Economie, Commerce et alimentation locale” à la ville d’Annecy. En plus d’un point relatif à l’organisation du marché de Noël pour laquelle notre groupe Les Annéciens a déjà exprimé sa vision, l’ordre du jour comprenait la validation des principes pour l’élaboration d’un nouveau règlement des terrasses.
Ce règlement encadre l’usage et les modalités de la mise à disposition de l’espace public (les rues, les places, les arcades…) pour y exercer des activités privées. Il s’adresse principalement aux cafetiers, restaurateurs et autres commerces sédentaires nécessitant des espaces extérieurs pour servir leur clientèle. On sait que le sujet est souvent compliqué et inflammable !
Tel que présenté par Frédérique Lardet, maire-adjointe en charge du commerce, le futur règlement des terrasses prévoit, dans les principes présentés en commission, le maintien de la règle (absurde) du “1 pour 1” : 1 place extérieure pour 1 place intérieure. L’objectif de la majorité municipale est double : limiter l’implantation de magasins de vente à emporter (on voit comme ça fonctionne bien !) et limiter le chiffre d'affaires généré par des activités privées sur le domaine public.
Le projet prévoit déjà la possibilité de déroger à ce principe… créant ainsi des exceptions qui viendront de nouveau alimenter les frustrations, la suspicion, les jalousies, les passe-droits, le fait du prince et autres favoritismes pour certains restaurateurs et cafetiers. Arrêtons avec ces méthodes du passé.
Il est normal et légitime qu’une ville souhaite réguler l’utilisation de l’espace public. Je suis donc POUR un la définition d’un cadre uniforme qui objective et harmonise avec bon sens les principes relatifs à la création et à l’autorisation d’installation et d’implantation des terrasses. Mais quel est l’objectif d’une ville à travers ce genre de texte ? Pour moi, la seule vision qui doit être portée par les élus est celle de la bonne utilisation par l’ensemble des usagers du domaine public, dans un esprit de partage, de cohabitation et d’animation.
Les terrasses des cafés et restaurants animent notre ville et participent de la qualité de vie des habitants et de l’attrait touristique. Elles sont aussi un peu de l’“art de vivre à la française” (si durement attaqué en 2015 à Paris). La décision de permettre l’extension des terrasses pendant la pandémie de Covid a montré tout son intérêt à la fois pour les commerçants qui ont pu rattraper une partie du chiffre d'affaires perdu en raison des fermetures administratives, et à la fois pour les consommateurs qui ont pu profiter d’espaces nouveaux. Tout cela dans une ambiance très sympathique dans la très très grande majorité des cas. N’est-il pas plus intelligent de voir des places auparavant vides, comme la place Sainte-Claire ou la place de la mairie de Seynod, être à présent animées ?
Les terrasses sont un lieu de vie, de socialisation, parfois de rendez-vous, de rencontres professionnelles, etc… Elles participent de la vie de la cité, de l’ambiance de ville et de son charme. Même si je suis bien conscient qu’on ne peut maintenir partout les espaces dédiés aux terrasses pendant la période de l’extension, revenir à la règle du 1 pour 1 serait une ineptie.
La rue a également d’autres utilisateurs que les usagers des terrasses. Il y a les promeneurs, les touristes, les habitants-riverains, les accès pour les secours, les employés municipaux et d’agglomération, les cyclistes, etc. Un règlement des terrasses doit prendre en compte ces réalités et permettre à chacun de partager l’espace public selon la configuration de celui-ci, tout en régulant les éventuels débordements.
Dans cette logique d’un usage optimal et partagé de l’espace public, le bon sens veut que l’on se rende sur place, dans toutes les rues et places de la ville concernées (car elles sont toutes différentes) pour définir les zones dédiées à telle ou telle “activité” et notamment les terrasses. Il faut faire du zonage au sol. Parfois les zones pour implanter des terrasses sont plus grandes que la règle des 1 pour 1 (par exemple sous l’horloge de la place Sainte-Claire et la terrasse du café Curt). Pourquoi appliquer cette règle absurde alors que cette terrasse ne cause de désagrément à personne et qu’elle permet à un commerçant de développer son affaire, d’embaucher, de créer des emplois non substituables et non délocalisables, et d’animer la ville ? Parfois la place extérieure est plus faible que la règle des 1 pour 1 et cette logique ne peut pas s’appliquer (c’est le cas de certains commerces du faubourg Sainte-Claire)…
La logique comptable d’une règle totalement absurde n’est pas appropriée à la situation de notre commune. D’ailleurs, avant la fusion des communes, seule une minorité de communes historiques l’appliquait. Les autres avaient déjà compris que le rôle d’un élu n’est pas de s'immiscer dans le bilan et le compte de résultat des cafés et restaurants, mais de gérer en bonne intelligence la cohabitation sur le domaine public. Que des commerçants fassent de l’argent en utilisant des terrasses ne me regarde pas en tant qu’élu (et au fond s’ils travaillent c’est pas pour la gloire !). Tant mieux pour eux ! Ils paient ces emplacements et je préfère un coin de rue utilisé et vivant qu’un coin de rue abandonné. Dans l’intérêt de la Commune et de ses contribuables, je serai toutefois vigilant sur la bonne adéquation du montant des redevances perçues par la collectivité avec la valeur économique du domaine public ainsi mis à disposition.
Il est grand temps de retirer cette règle qui créé plus de problèmes qu’elle n’en résout. Il faut aller sur place, voir avec les associations de commerçants, de riverains, la police et les pompiers, pour délimiter les zones d’activités de chacun. Oui c’est du travail de dentelles et de fond, loin de la logique “bulldozer” du ratio du 1 pour 1, mais c’est la seule manière intelligente de faire. Tous les acteurs sont responsables et connaissent les limites de l’exercice. Faisons-nous confiance !
Enfin nous aurons stabilisé les choses. Les terrasses seront clairement identifiées. Les règles seront pérennes, identiques à l’échelle de la Commune nouvelle, et acceptées par tous.
J’ai toujours été opposé à cette vision comptable bête et méchante. La liste “Les Annéciens”, que j’ai conduite à l’occasion des élections municipales, a été la seule à affirmer ce positionnement de manière claire et transparente. J’ai donc redit, seul parmi l’ensemble des élus présents, y compris des autres minorités, ma volonté de voir cette règle abrogée et ne pas figurer dans le futur règlement. Une ville, l’espace public ne se gèrent pas à coup de formules mathématiques, mais au regard des réalités de terrain, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes dans un esprit de responsabilité et de confiance. C’est cette conviction que j’ai portée. Je connais bien les commerçants d’Annecy. Je les écoute. Et je crains que si François Astorg et son adjointe Frédérique Lardet passent en force sur ce dossier, la Ville aille vers de vraies difficultés.
Denis Duperthuy
Membre de la commission “Economie, commerce” à la Ville d’Annecy